mercredi 17 septembre 2014

Les joies de la Fac' !

L’université est un lieu d’apprentissage et de culture, où tout plein de têtes blondes (généralement à peine adultes légalement) vont joyeusement apprendre ce qui est nécessaire et utile pour leur diplôme, voie vers le métier futur (de vos rêves, mais surtout, dans vos rêves).
En réalité, la Fac’ c’est un beau bordel.
J’ignore si c’est le cas dans toutes les universités de France, n’étant pas (encore) omnisciente je ne peux donc pas vraiment généraliser. En pratique, tous mes amis d’autres universités semblent rencontrer le même genre de problèmes, alors je vais quand même généraliser. Parce que. Voilà.

Chaque Licence a ses petites particularités – et un niveau d’exigence bien spécifique – et dans mon immense joie, j’ai pu en tester deux. Je peux donc vous dire que certaines choses se retrouvent dans les deux, et pas forcément les plus utiles, sympas, agréables, amusantes.

L’Université est un lieu relativement immense (dans mon cas) et dans ma condition physique adaptée aux efforts en tout genre (saisir l’ironie mordante) il est nécessaire d’avoir au moins 15 minutes de libre pour la traverser de haut en bas (oui, oui, même pas en diagonale). Pas moins d’une bonne vingtaine de bâtiments (sans compter les préfabriqués et les amphithéâtres) se partagent l’espace – mais nous en plus on a d’immenses et magnifiques pelouses qui donnent envie de faire la sieste pendant des heures…

Dans ce lieu (de débauche) de savoir, vous découvrirez des dons insoupçonnés pour l’improvisation et le calcul mental – très insoupçonnés dans une Fac de Lettres – parce que le moindre centime aura une importance capitale, et la moindre minute également. Vous aurez à développer des pouvoirs indispensables tels que l’absorption de caféine dans votre estomac sans fin – et vide – et la téléportation, un outil méconnu mais néanmoins incontournable.
La Téléportation oui, car les horaires de cours vous placent souvent face à des situations où vous dédoubler instantanément est la seule solution envisageable pour réussir. Par exemple. Votre cours se termine à 13h15 à l’entrée Sud de votre Faculté. Si vous avez de la chance, votre enseignant terminera son discours à l’heure. Sauf que :
-          Il aura très certainement oublié quelque chose de capital qu’il ne pourrait décemment pas vous envoyer par mail ou par la plateforme informatique, non, le professeur ne transmet qu’avec de la craie et des cordes vocales.
-          Vous avez quelque chose de très important à lui dire (vous avez un tiers temps, vous n’avez pas bien compris quelque chose – et vous ne savez pas non plus envoyer un mail sur l’adresse qu’il vous a communiqué en début d’année – ou bien vous avez besoin de son adresse mail, vous aussi vous aimez les lapins, bref, vous avez absolument besoin de lui parler, et c’est réciproque).
-          Oh attendez, revenez par-là, j’ai oublié de vous distribuer ce document !
-          Vous pensez qu’il va pleuvoir ?
-          Attendez, je vous donne ce que vous devez faire pour la semaine prochaine…
-          Mince, il manque un paragraphe à votre cours, bon, cinq minutes de plus, on termine, vous n’êtes pas pressés de manger, si ?
Non, vous avez très faim, mais manger est quelque chose de tout à fait secondaire parce que vos cours se situent tous entre 11 et 15h, ce qui vous pousse à adopter une technique dite de je-mange-n’importe-quand-surtout-quand-j’ai-le-temps… (Vous prenez donc vos repas à 6h, 10h, 15h, 19h et 23h, et ils sont constitués d’un sandwich – également réparti en plusieurs morceaux pour durer toute la journée – et d’eau. Vous mangez de l’eau. Que de l’eau. C’est gratuit à la Fac.). Votre cours est donc fini à 13h15 et votre professeur vous laisse quitter sa salle vers 13h25 environ. Sauf que ! Votre cours suivant (à l’entrée Nord, bien sûr) commence à 13h15 pile – l’interclasse est un concept bon pour les enfants pré-pubères). Vous avez donc -10min pour vous rendre à l’autre bout de la Fac (vous savez, 15minutes pour traverser la Fac…).
Vous arrivez donc avec près de 20 minutes de retard au cours suivant – bah oui, vous avez couru. Prof suivant qui, lui aussi, vous occupera encore 10 bonnes minutes après la fin de son cours, ce même monsieur qui vous aura pourtant copieusement menacé de ne plus JAMAIS arriver en retard à son cours.
L’étudiant lambda doit se téléporter. Et contrôler le temps.
L’étudiant lambda ne va jamais aux toilettes, quand bien même il ingurgite son poids de café en une journée.

L’étudiant lambda à plus de 30h dans sa journée – du moins il l’espère chaque matin en se levant, quand il arrive à ouvrir les yeux.
Parce que l’étudiant, bête curieuse et avide de savoir, a une épreuve à traverser deux fois – au moins – par jour, du moins quand il a l’immense privilège de ne pas avoir de voiture, de vélo, de jambes fonctionnelles… L’étudiant prend les transports en commun.
Mon humble expérience ne concerne que les transports en commun de ma – splendide – ville, Montpellier. La TaM est une spécialiste des transports « pas tout à fait en retard » où l’idéal pour voyager est de ne pas dépasser les 20cm3 – sous peine de compression mortelle. Votre départ s’effectue une heure avant votre premier cours – mais en réalité, une heure et quinze minutes avant, sinon vous n’aurez jamais de café ! – et commence par l’attente du bus. Votre bus est passé à 7h13, et vous vous demandez encore si c’était celui de 7h08 qui était en retard, ou celui de 7h18 qui était en avance. Avec eux, on ne sait jamais trop. 7h20, vous descendez du bus, et votre tram vous passe sous le nez – tung, tung, tu m’as loupé, espèce de pas douée – et vous ne vous lancez jamais à sa poursuite parce que :
-          Courir avec un sac aussi gros que vous relève du domaine du cirque,
-          De toute façon vous ne courrez pas assez vite,
-          Pas d’effort physique avant le CAFE !
Tant pis, vous attendrez le suivant. Sur l’affichage numérique, les horaires clignotent : 8min. 6min. 4min. Proche.
Vous vous demandez encore ce que signifie « proche » dans le langage TaM, parce qu’un Tram qu’on attend cinq bonnes minutes n’est PAS proche de vous, mais loin. Très loin.
Près de vingt minutes plus tard, félicitations, vous êtes au terminus de votre ligne et vous pouvez attendre votre prochain tram avec le sourire, la patience, la musique, et une envie de café insupportable. La seconde ligne que vous prenez – qui en réalité se trouve être la Ligne 1 – possède cette particularité incroyable : il passe un Tram toutes les 2min, entre 7h et 8h (en fait, il en passe TROIS toutes les 5-10min, vous allez comprendre pourquoi…). Si vous vous dites que vous êtes chanceux, sachez que non. Vous avez la merveilleuse chance de prendre votre Tram à peine quelques arrêts entre deux lycées et deux Facs à exactement 7h45 du matin. Oui, juste avant le début des cours. En résumé, si vous dépassez le volume d’un cube de 20cm sur 20cm sur 20cm… vous n’êtes pas habilité à pénétrer dans ledit Tram. Ni le suivant. Mais peut-être celui d’après en vous tassant bien, sur la pointe des pieds, ventre rentré, sac à dos sur la tête, avec un sourire très, très charmant pour que les gens se tassent contre les murs. Après ce numéro de contorsionniste, vous pensez vous en sortir… mais non. Un tram, ça va vite, ça tourne. Et vous n’êtes pas funambule.
Deux arrêts plus tard vous apercevez les contrôleurs sur le quai. Vous avez envie de mourir. Eux aussi.

8h15, vous avez Littérature. La prof de votre cours magistral vous fait chanter un chant médiéval d’Angleterre célébrant l’été. Vous vous rappelez que vous êtes en deuxième année, que vous avez presque dix-neuf ans, et que votre département est en alerte orange à cause des orages.


Vous buvez votre café en déprimant, étudiant.