jeudi 27 août 2015

Un souvenir pour la connasse.

On s’en est probablement rendu compte mais je n’ai rien posté depuis… une demi-éternité environ. Je pourrais vous sortir tout un tas d’excuses plus ou moins véridiques mais je suppose que ça ne changera pas cette absence, cette disparition soudaine. Et comme ça n’aura pas beaucoup plus de rapports avec le sujet du jour, je vais cesser tout de suite d’en parler.

La connasse à l’honneur aujourd’hui, je l’ai croisé il y a deux jours, avec ma mère, sur le parking du supermarché. Bon, pour vous situer un peu, il faut savoir que dans ma famille, on a beau respirer la joie de vivre et le bonheur, on n’a quand même pas vraiment été gâtés par la nature. Mon petit frère est atteint du syndrome d’Asperger, ma mère a le genou dans un sale état et moi ça fait beaucoup trop d’années que les médecins cherchent à savoir ce qui se passe sans trouver ce qui ne va pas, mais en attendant on essaye de définir ce que j’ai, sachant que c’est « pas vraiment de la narcolepsie » et « pas vraiment de la catalepsie » et « pas vraiment » tout plein de choses. Ca reste assez handicapant dans la vie de tous les jours, mais comme on ne pourra a priori rien y faire, il faut qu’on s’efforce de vivre avec. Ce qui est généralement faisable – déjà parce qu’on a l’habitude, ça ne date pas d’hier, mais surtout parce qu’on peut trouver des solutions.
Par ailleurs, ce serait un grand mensonge que de vous dire que cet article n’est pas subjectif, parce qu’il est une réaction à ce que j’ai vécu, ce que j’ai subi et ce que j’ai ressenti, et qu’on peut difficilement faire moins objectif.

Maintenant que vous êtes au fait de la situation globale, parlons connasse !

Nous avons le droit à une place handicapés, pour mon petit frère mais aussi pour ma mère, qui a été greffée au genou, donc, et on l’utilise aussi pour moi parce que quand je perds connaissance c’est toujours plus pratique pour me ramener à la voiture (disons qu’en tombant je peux me faire vraiment mal et que si j’ai moins à parcourir c’est mieux). D’habitude pourtant, c’est assez rare qu’on l’utilise, parce qu’on ne va pas toujours faire des courses avec le petit et qu’on se dit généralement que « aujourd’hui, ça va aller ». Sauf que voilà, il y a deux jours, ça allait pas trop, ma mère avait mal et j’étais fatiguée, mais mon frigo était vide et fallait bien qu’on le remplisse, et comme je n’ai pas le droit de passer le permis je dois me faire conduire. C’est assez étrange de culpabiliser alors qu’on y a droit, mais nous on est comme ça… on se dit qu’on vole la place de quelqu’un ; alors que non.

Pour le coup on avait bien fait, parce que je vous le donne dans le mille, j’ai fait un plat dans le supermarché et même si on a fini de faire nos courses tranquillement, j’étais crevée et on était bien contentes d’être juste à l’entrée. En sortant donc, on revient à notre petite place à nous et on range les courses. Et puis, une connasse garée juste en face de nous sur une autre place handicapée commence à parler à ma mère. J’avais toujours plus ou moins pensé que les personnes handicapées ou côtoyant des personnes handicapées étaient du côté tolérant de la force, mais… en fait, pas tant que ça. La madame connasse parce qu’elle était plus toute jeune et fraiche commence donc à nous accuser et à nous dire qu’on devrait avoir honte. Bah oui. Vous comprenez. On marche sur deux pattes, donc on est parfaitement valides, c’est connu. Pour écourter ce qui allait se passer, ma mère m’envoie ramener le chariot (à 20m de là) et le temps que je fasse l’aller-retour, je retrouve ma mère, les larmes aux yeux, assise devant sa voiture, en train de se faire crier dessus par l’autre hystérique.
Autant dire que ma tolérance à la bêtise, l’ignorance crasse et le sang-froid, dans l’état où j’étais, étaient inexistants.

J’ai vu ma mère en train de fouiller son dossier et ses papiers, et j’ai compris ce qui se passait. Oui, le macaron sur notre tableau de bord est une photocopie, parce qu’on nous a volé l’original – et beaucoup d’autres papiers – et que l’administration française étant très douée, il faut qu’on prouve à nouveau qu’on y a bien droit (au cas où ça aurait changé). Mais sur nous, on a quand même le dossier, et la déclaration de vol. Parce qu’on n’est pas stupides et qu’à priori si on est contrôlées, on le sera par des gens pas trop stupides non plus. Mais sans attendre quoique ce soit, je vois l’autre connasse qui s’enfuit dans sa grosse voiture. 

« Vous devriez avoir honte. »
« Je vous souhaite d’être Handicapée ! »
« Je déteste les voleurs dans votre genre. »

Je vous laisse juste imaginer la façon dont ces quelques phrases ont un peu détruit le moral de ma mère (qui a renoncé à quasiment tout pour s’occuper de son fils autiste qui ne peut pas être scolarisé normalement, qui a une fille à l’avenir incertain parce que les médecins ne savent pas ce qui se passe et qui a un genou en sursis depuis que Mère Nature a décidé que notre famille aurait des articulations en marshmallow humides). Et puis quand bien même. Par respect pour tous ceux qui ont un handicap quelqu’il soit, on ne souhaite pas ça à quelqu’un, même à quelqu’un qui ne sait pas à quel point ça peut être dur.



Pour terminer cette histoire en beauté, parlons de ce gentil monsieur qui avait a priori décidé de prendre la défense de tous les protagonistes de l’histoire, et qui se rend bien compte d’à quel point ces mots ont été violents pour nous. Il me tapote sur l’épaule et déclare : « en tout cas, tu devrais être contente, tu as une très jolie maman. »
Quoi ?
PARDON ?
Merci monsieur, on vient d’être questionnées sur notre légitimité, traitées de voleuses et insultées, c’est vrai qu’il manquait le monsieur bien lourd à l’équation. Déjà, vous êtes gentil, mais c’est pas vraiment le moment pour dire qu’on est belles (surtout quand on est en larmes dans sa voiture, m’voyez), mais en plus, en quoi ça change le fait qu’on ait été traitées de cette façon par une hystérique (sur un parking où personne n’a réagi) ? Dans ma tête ça a traduit automatiquement : « allez va, t’es handicapée et traitée comme une malpropre par quelqu’un que tu ne connais pas, sous prétexte que t’es pas assez handicapée à ses yeux, mais pourquoi tu te plains, allez souris, après tout t’es belle ! »


Normal, quoi.